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@ -20,4 +20,4 @@ Illustrations : Le dindon de la furss, Nao, vrrhngt, Plume, François, Léon.
[^1]: Cest pour rire...
![](../images/01/couverture.jpg)
![Couverture du premier numéro de Ravages : aquarelle d'un paysage de montagnes](../images/01/couverture.jpg)

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@ -22,19 +22,19 @@ Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur auto
**P:** Non, je lui ai même pas dit que cest pas bon, que je naime pas, je lui ai même pas dit, parce que M. lui avait déjà dit quil aimait pas, il a gouté et il a arrêté de manger, donc jai mangé pour quil soit plus à laise, jai mangé avec beaucoup de sel et après jai eu mal au ventre, mais cest passé. Depuis L. a fait dautres plats. Même aujourdhui il a fait une blanquette de veau, parce quon est allé regarder le match de foot et yavait personne pour faire la cuisine, donc cest lui qui nous a préparé la sauce.
[Pendant que P. parle, X, un autre jeune accueilli, pose une cagette de provisions sur la table du salon.]
![assiette](../images/integration%202.jpg)
![assiette](../images/01/integration%202.jpg)
**R:** Tas ramené quoi sur la table ?
**X:** Ça, ça vient des Restos du Coeur. Depuis quon la pris aux Restos du Coeur personne ne la mangé. Ça, cest pareil. Ça, cest de la crème fraiche, tu peux la jeter. Jai fait une liste mais personne na acheté ce que jai demandé. On peut parler des courses ? Concernant les courses, ya quelques éducateurs qui font comme sils étaient chez eux. Par exemple, un jour on a fait une liste, et quand léducatrice est arrivée elle a laissé la liste quon avait écrit et elle a acheté ce quelle voulait, et maintenant il parait quil nous reste plus assez de budget, mais elle, elle a acheté ce quelle voulait, de la crème fraiche, du café, pourtant il y avait déjà du café, mais elle en a racheté au lieu dacheter ce que nous on avait écrit. Elle a acheté ce quelle voulait, parce que cest elle qui fait les courses ici. Ya beaucoup de choses quils achètent [les éducateurs], bon, si tachètes et que tu fais la cuisine pour nous, si on ta dit que cest bon, alors on peut accepter, mais si on mange pas ce que tu cuisines, cest pas acceptable.
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/integration%203.jpg)
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/01/integration%203.jpg)
**R:** Et vous allez jamais faire les courses vous-mêmes?
**P:** Bien sûr, avant on allait faire les courses une fois par semaine, mais depuis le mois du Ramadan on a arrêté. Seulement hier on est retourné faire des courses, on est parti tous les trois, on a fait une liste, et un éducateur nous a dit quon navait plus de budget et quon devait faire attention. Quand on est allé au supermarché on a compté. Jai dit à léducateur qui était venu avec nous, trente-cinq euros pour finir le mois, on ne peut pas acheter tout ce quon veut, donc jachète, et si le budget finit tu dis au chef que ce mois-ci on a dépassé le budget, pour quil puisse compter sur le mois prochain. Il a dit « non, je vais me faire engueuler par le chef ». Moi jai laissé le chariot sur place et je suis rentré à la maison. En rentrant il ma crié dessus, il ma dit que je métais mal comporté avec lui.
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/integration%204.jpg)
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/01/integration%204.jpg)
**X:** Ici on a 150€ par mois pour la nourriture, par personne [ils sont six], et à part Z. qui amène sa nourriture à la maison, les autres ils mangent ce quil y a dans le frigo. Si quelquun vient et ne cuisine pas, il ne devrait pas manger avec nous. Mais si la personne cuisine, elle peut manger avec nous, cest donnant donnant. Est-ce que vous êtes ici pour cuisiner ou est-ce que vous êtes ici pour manger notre argent ? Sils cuisinent ça peut aller. Quand L. a dit quon navait plus dargent ça ma étonné, parce quon nest pas allé faire les courses depuis le Ramadan, cest les éducateurs qui amènent à manger. On na pas pu acheter pour 900€ de nourriture en deux semaines, cest pas possible.
@ -42,14 +42,14 @@ Doublement enfants, les MNA du foyer sont souvent en partie privés de leur auto
**P:** Avant on partait, quand le budget de la nourriture cétait 900 euros, on partait chaque mercredi, et quand ils ont ajouté 100 euros sur le budget, ce qui fait 1000 euros, on nous a dit quon nallait plus aller là-bas. Jai dit daccord. Jusquà présent personne nest retourné là-bas parce que la déci-sion vient du chef. Nous on ne peut plus rien dire. On a même fait deux jours, il ny avait plus rien dans le frigo, on a parlé avec léducateur, il a dit quil pouvait pas aller faire les courses. Alors jai fait en sorte quon puisse avoir à manger, je crois que cétait la pomme de terre que javais fait, jai cuit les pommes de terre avec les œufs, cest ça que jai fait à manger. Il ny avait pas de poulet, il ny avait pas de riz, pas de couscous. Même jai parlé avec le directeur ici, à la réunion, il a dit quon pouvait faire une liste de courses mais ce que les éducateurs achètent on est obligé de laccepter. Il dit « si tout à lheure L. part acheter de la crème fraîche, et si toi tu naimes pas, tu le manges quand même, cest un plat français. »
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/integration%205.jpg)
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/01/integration%205.jpg)
**R:** Et vous en pensez quoi quand ils vous disent des trucs comme «Il faut manger français, cest important pour votre intégration» ?
**P:** On peut manger des plats, de la nourriture française, quand nous sommes arrivés cest ce quon mangeait, puisquon navait pas commencé à préparer nous-mêmes à manger. Cest les éducateurs qui préparent à manger, mais nous aussi on veut essayer de faire des trucs, laissez-nous tranquillement faire notre truc, on se met à laise et ça passe. Nous on veut juste pouvoir faire nos courses, et eux [les éducateurs] ils sont là pour signer les reçus, même pas pour payer avec leur argent, pour signer le reçu seulement. Après on revient à la maison. Cest ce quon veut.
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/integration%206.jpg)
![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/01/integration%206.jpg)
**R:** Ya dautres choses que vous navez pas le droit de faire ici ?
**P:** Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. ![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/integration%207.jpg) Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »
**P:** Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. ![Tu le manges quand même c'est un plat français](../images/01/integration%207.jpg) Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »

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@ -19,7 +19,7 @@ Quant à celles et ceux qui ont le malheur darriver tout droit de plus loin
Fiction juridique, la frontière nen est pas moins réelle pour celles et ceux qui la traversent chaque jour sans la bonne couleur de peau, ou à défaut les bons papiers. Et si elle reste une construction historique relativement récente, cest dans le registre de luniversel que la frontière puise sa légitimité, jusquà devenir une évidence territoriale, une sorte de sens commun dans la manière dont nous envisageons lespace. Pourtant, et cest ce qui nous intéresse dans la partie suivante, les frontières nont rien de naturel, et leur adéquation avec certains traits de paysage comme les rivières ou les montagnes est elle aussi une fabrication nationale.
![sommets](../images/Sommets.jpg)
![sommets](../images/01/Sommets.jpg)
### Frontières synthétiques
Au XVIIe siècle le mot « frontière désignait une ligne de front, celle qui se tenait face à lennemi, peu importe que celui-ci se trouve au milieu ou en périphérie dun territoire donné. La « frontière » délimitait une zone de défense. Cest au siècle suivant que frontières militaires et frontières nationales ont commencé à coïncider, dans les écrits officiels comme dans ceux des Lumières, qui sévertuaient alors à ancrer la nation dans un territoire propre. Bien souvent cest dans le paysage que les philosophes allaient piocher pour donner à la nation ses limites. Pour Rousseau ou Montesquieu, la nature avait établi sur Terre les frontières idéales de la France et des autres Etats : le Rhin, les Pyrénées et les Alpes fournissaient à la jeune nation française des limites toutes trouvées. Cest la Révolution, autrement dit, qui nationalisa lidée dune frontière dite naturelle, et naturalisa celle des frontières nationales.

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@ -35,7 +35,7 @@ La mise en spectacle de lhospitalité et des maraudes crée dautre part un
Comment alors faire exister des récits qui permettent lémancipation des personnes en exil, et démontent les structures racistes ? A lévidence, la première chose à faire est de rendre visible la ségrégation raciste que produit la frontière, et que les autorités cherchent à cacher. Reste ensuite à imaginer, et diffuser, des imaginaires territoriaux qui favorisent lémergence despaces et de structures sociales émancipatrices.
![chez Marcel](../images/chezmarcel_plein.png)
![chez Marcel](../images/01/chezmarcel_plein.png)
### On ne dit pas des herbes sauvages quelles forment des forêts !?[^4]

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@ -6,7 +6,7 @@ Numero: 2
_Voici une interview de deux bénévoles de Woodyard. On y apprend plein de choses, jojo et moins jojo. On y trouve beaucoup de questions et de doutes, notamment autour des choix que nous faisons pour nous engager, nous les blancs qui passons du temps sur les frontières et qui partageons pour un bref moment la vie des personnes de passage. La vie et parfois la mort aussi. Y a autant de possibilités que dindividus, alors si tu lis cet article, cest loccasion pour toi, comme pour Paule et Julien, de te demander : et moi, pour quoi je suis là ?_
![](../images/02/calais/bois2.jpg)
![Arbres vue du dessous](../images/02/calais/bois2.jpg)
Javais envie de parler de Calais, javais envie de demander ce qui fait quon y passe du temps, dans ce nord tout gris en hiver, comment on sy engage. Javais envie de raconter une histoire personnelle qui sinscrit dans la grande histoire du racisme dÉtat et des violences institutionnelles, et puis surtout javais pas envie de vous rajouter un texte factuel accablant et déprimant à souhait… Pour bien se renseigner et avoir les dernières infos sur la situation précise à Calais, y a un tout dernier rapport de Humans Rights Observer[^1]. Ici, cest le témoignage de Julien et Paule, bénévoles au Woodyard à Calais, qui nous plonge dans un récit dengagement, de questionnements et de colère[^2]. Bon, cest quand même un peu accablant et déprimant, désolée.

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@ -21,4 +21,4 @@ C'est un peu de cela que nous parlons, dans les pages qui suivent. Une chute dr
_Merci aux contributeur·rices de ce 2ème numéro : Mody Bic, Vrrhngt, Plume, Biche, Ptitpois, FleurBleue, Le race salta fosso, sussurrimi, gravier, Legrosmulot, Dayion._
![](../images/02/Couv.jpg)
![Couverture du 2ème numéro de Ravages : un poisson géant arrive la bouche ouverte en-dessous d'un personnage qui nage](../images/02/Couv.jpg)

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@ -1,4 +1,4 @@
Title: Est-ce que tu m'aimes vraiment
Title: Est-ce que tu m'aimes vraiment ?
Author: ravages
Date: 10/11/2024
Weight: 2
@ -14,7 +14,7 @@ _Cet article est une discussion entre trois femmes cis blanches (quon a poét
_On a voulu collecter les témoignages de personnes sans-papiers dans des relations mixtes aussi, mais ça ne sest pas fait. Parce que nos réseaux sont surtout féminins, surtout blancs (quon se le dise), et parce que les copains ou ex-copains racisés de nos amies considèrent quils sont déjà assez scrutés dans leur couple pour en parler publiquement ici : leur perspective sur ce que ça fait dêtre en trouple avec lÉtat napparaît donc pas dans cet article. Ça nous a fait douter. On sest dit que cétait moyen de publier un article sur les couples mixtes en sappuyant uniquement sur lexpérience de nos amies blanches. En même temps, ya pas beaucoup de textes autour de nous qui parlent de relations mixtes entre militant·es blanc·hes et sans-papiers. Ça nous paraissait important de publier le peu de témoignages quon avait, aussi partiels et partiaux soient-ils. Cest un début, donc. Et qui sait ? Peut-être quà cette première lecture saggloméreront bientôt les témoignages dautres personnes concernées qui ne se sentent pas, ou peu, représentées ici._
![](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL1.JPG)
![Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL1.JPG)
**C :** Cétait une histoire très brève. On sest vus quelques mois et ça sest arrêté, parce que cétait trop prise de tête. Il y avait trop de décalage entre nous. Cest une personne qui pouvait dire « je taime » très vite, faire des grandes déclarations, et moi je ne suis pas habituée. Ça mavait séduite au début, ce côté sécurité affective que je navais pas trouvé dans dautres relations. Demblée cest rassurant quand on te dit « je taime » ou quand la personne en face de toi est prête à sengager, alors quelle te connaît à peine. Je lai rencontré au refuge[^3] où il était accueilli. Il était en situation dinfériorité par rapport à moi parce quil navait pas de papiers, et pour moi cétait compliqué de mettre des limites à ses déclarations parce que je me sentais coupable. Je me disais : cette personne est dans une situation de merde et je me sens obligée de répondre à ses attentes. Javais conscience de mes privilèges et je navais pas envie den jouer, mais cétait compliqué. Je me suis laissée embarquer dans cette culpabilité et ça ma dépassée. Jai préféré arrêter la relation avant que ça aille plus loin.
@ -27,7 +27,7 @@ _On a voulu collecter les témoignages de personnes sans-papiers dans des relati
**D :** Et tu penses que sans ces questions administratives taurais pu rester dans cette relation ?
![](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL2.JPG)
![Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL2.JPG)
**C :** Je pense, oui. Je me suis clairement dit : jai la flemme de membarquer là-dedans. Jai arrêté cette relation parce que jai déjà eu pas mal dhistoires compliquées avant, et javais plus le courage de recommencer. Cest une question dusure. Je me suis dit non, plus de lourdeur pour moi. Peut-être que sil ny avait pas eu de différence de statut entre nous ça aurait été plus léger et je me serais sentie daller plus loin, mais là ça me paraissait trop. Trop de problèmes trop tôt. Mais du coup je me demande comment ça marche pour les relations mixtes qui tiennent dans le temps. Comment vous avez fait vous au début, et comment vous faites maintenant ?
@ -35,7 +35,7 @@ B: Moi je suis encore dans une relation mixte. On sest rencontré à Brianço
**C :** Oui, à cette question de culpabilité blanche se mêle aussi une culpabilité très genrée, celle dune meuf. On se remet en question constamment, on va toujours au-devant des besoins de lautre, on na pas envie que la personne se sente mal.
![](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL3.JPG)
![Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL3.JPG)
B: Oui cest sans fin. Alors si les relations hétéros sont déjà prises de tête de base, cest sûr que relationner avec une personne sans-papiers ça rajoute des complications, et ça enlève beaucoup de légèreté. Il faut compter la soixantième facture en essayant de laisser un peu de place au romantisme. Dans mon couple, jai limpression quon aborde beaucoup ces questions. Peut être même quon les a trop abordées dès le début et que cétait vraiment lourd pour tous les deux. On a eu limpression que cétait impossible. Et puis la question des papiers, ça instaure aussi un doute permanent. Est-ce quil est avec moi pour avoir ses papiers ou est-ce quil maime vraiment ? En fait Z dans notre couple il est doublement surveillé : par ladministration et par moi, qui lui demande des preuves damour. Et ça je lai réalisé sur le tard, mais je sais que mes questionnements sur sa sincérité, sur son engagement, ça a été hyper dur à vivre pour lui. En même temps jaurais été naïve de ne pas me poser la question. Parce que ça existe, les mecs qui séduisent des femmes blanches pour les papiers. Et en même temps, il y avait de la méfiance par rapport à mes intentions à moi aussi. Il avait peur que je lutilise comme une caution militante. La méfiance, du coup, elle vient des deux côtés. Sauf que pour la personne sans les bons papiers dans le couple, la menace est triple : elle vient de ladministration (qui te demande des preuves de vie commune), de la personne avec qui tu relationnes (qui peut te larguer du jour au lendemain et te laisser dans une situation administrativement compliquée) et de son entourage, de sa famille et ses potes qui doutent parfois aussi de tes intentions. A tout ça se mélangent les différences de culture, de classe sociale, etc.
@ -44,9 +44,10 @@ B: Oui cest sans fin. Alors si les relations hétéros sont déjà prises de
B : Oui, et puis ça te met des contraintes énormes aussi. Prouver la vie commune à lÉtat ça veut aussi dire que tu dois être un·e bon·ne citoyen·ne. Tu peux difficilement vivre en squat, tu paies ton loyer, tes factures, tu gardes le ticket de caisse quand tu vas faire tes courses, tu es dans une course aux preuves permanente... Il y a des collectifs qui nous aident pour constituer le dossier quon devra déposer à la préfecture. Une personne dans un collectif mexpliquait que pendant notre entretien à la préfecture, il ny a que moi qui aurai le droit de parler, et pas Z. Cest jamais létranger qui parle, toujours la personne française. Cest terrible, cest aussi se dire que la personne étrangère, qui a fait tout ce chemin, doit passer par une autre personne pour recevoir ses papiers. Ça peut créer un sentiment de redevabilité qui peut être très lourd. Et puis il y a un peu un truc de « tu auras tes papiers si tu arrives à séduire une meuf blanche, si tu es un partenaire exemplaire ». Il y a pas mal de films qui mettent en scène une meuf française qui tombe amoureuse dune personne qui a pas les bons papiers. Et cest toujours une meuf qui soit a perdu son mari, soit est en dépression. Et le mec sans les bons papiers, cest le seul qui arrive à séduire la meuf, et donc il aura ses papiers parce que cest un bon partenaire, un bon mari (et donc un bon candidat à la citoyenneté)[^4].
![Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL4.JPG)
**D :** Au Planning Familial, jai rencontré un Nigérian sans-papiers qui vit en France depuis six ans. Il racontait quavoir une relation amoureuse avec une meuf blanche, cétait trop compliqué. Se mettre en couple avec une meuf blanche, pour lui, ça voulait dire se plier aux injonctions dintégration, se montrer en accord avec les valeurs de la République et tous les délires assimilationnistes jusque dans le quotidien, dans lintimité. Cest sadapter encore plus profondément à des façons de faire qui ne sont pas les siennes. En même temps il disait que les Nigérianes en France, elles ne sont pas intéressées par des relations amoureuses avec des mecs sans-papiers, parce que souvent ils nont pas beaucoup dargent, ils sont dans une situation précaire. Les Nigérianes qui viennent en France elles veulent autre chose. Du coup, pour eux, il ne reste plus grand-chose. Cest compliqué des deux côtés. Et beaucoup de personnes sans-papiers se retrouvent complètement en dehors des relations affectives et amoureuses hétérosexuelles.
![](../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL4.JPG)
[^1]: Voir nimporte quel ouvrage de la sociologue Eva Illouz ou de Mona Chollet sur lamour.

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@ -4,7 +4,7 @@ Date: 10/11/2024
Weight: 3
Numero: 2
![](../images/02/pado%20couv.jpg)
![Dessin de nombreuses silhouettes rassemblées devant un bâtiment](../images/02/pado%20couv.jpg)
_Cest ouf un squat. Ça pue, ça craint, ça dépanne. Ça use et ça te sauve la vie. Ty as passé une semaine et tu dirais un an. Dans un squat tu pleures et tas peur. Tu dors, tu manges, tu troques ta doudoune. Tu décores ta chambre, tu danses, tu apprends des langues. Tu fumes. Tu te fâches à mort et tu tombes amoureux·se. Tu cours partout puis tout sarrête dun coup. Et tu glandes. Et tu tennuies. Et tu rigoles. Des mots très abstraits deviennent tellement concrets que ça fait mal, que ça fait du bien. Cest rageant et sidérant, ça te transforme. Des mots comme: répression, racisme, propriété. Insalubrité, faim, misère. Solidarité, amour, liberté._
@ -210,7 +210,7 @@ Il rit.
Plus tard encore, la nuit est tombée. Repas bien organisé, pas de bagarre, pas de cris, pas de fâcherie, pas de bousculade, une file, wakhed wakhed. Et il y a eu assez à manger pour tout le monde. Pour deux cents personnes. Tout va bien.
![](../images/02/pado1.png)
![Dessin de nombreuses silhouettes regroupées avec des bols vides devant des marmites](../images/02/pado1.png)
Encore plus tard, prendre ni papier, ni téléphone. Baisser tous les sièges du coffre. Partir en deux voitures. Prendre à droite après la station-service. Entrer dans la cour de limmeuble, tous phares éteints. Couper les moteurs. Se faufiler vers la porte entrouverte. Louvrir en grand, sans faire de bruit. Et remplir. Remplir nos bras de couvertures, de balais, dassiettes, puis remplir les coffres, les remplir à ras bord, de seaux, de pelles, déviers, de coussins, de louches. Vider lhôtel abandonné pour remplir nos coffres. À bloc. Puis fermer les portières tout doux, sans faire de bruit, sans rien dire. Démarrer. Rouler. Tranquille. Tout doux. Croiser une voiture de police. Rouler, tranquille. Arriver au Pado. Tout décharger sous le barnum.

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@ -11,4 +11,4 @@ Face à ces déferlantes damour et dadhésion, nous avons voulu en remettr
Mais pour continuer la sieste il va falloir mettre des bouchons dans les oreilles. Parce que voilà, oui, on est woke. On est woke et on vous dit phoques. Et c'est pourquoi, dans ce numéro, y a des phoques partout.
![](../images/02/danse.png)
![Dessin de personnages qui dansent](../images/02/danse.png)

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@ -8,7 +8,7 @@ _Upupa en Italien signifie huppe. Une huppe en Français cest un oiseau migra
_Des copaines de Vintimille nous racontent le quotidien dUpupa, à travers les voix des personnes qui fréquentent le lieu. Écrit à plusieurs mains, il est entre le recueil dhistoires, la narration et la mise en mots dun imaginaire collectif. Ce que vous vous apprêtez à lire ne se veut ni exhaustif, ni représentatif du lieu, de sa complexité et de lénergie quil contient._
![](../images/02/upupa/tente.jpg)
![Gravure d'une tente noyée dans une inondation](../images/02/upupa/tente.jpg)
Vintimille, un jour quelconque dun mois quelconque.
@ -55,7 +55,7 @@ Pendant que Ahmed parle, une connaissance à lui entre par hasard dans le local.
Une autre personne qui vient juste dentrer cherche du sucre pour se faire un café. Depuis que Mustafa est là, le sucre on le range dans le coffre, comme le plus précieux des biens. Il y en a toujours trop et il finit toujours trop vite. Le lieu semble lengloutir. Le mot sukar affleure constamment dans le chaos des conversations. Le sucre quil faut aller acheter au Lidl, le sucre quil faut mettre de côté, le sucre à partager, le sucre qui colle aux tasses, le sucre indispensable à la préparation lente et méticuleuse du café. Sucre, café en poudre, une goutte deau. Il faut un peu de temps. Le rythme ici nest pas scandé par la machine à café, mais par le tintement net et constant des petites cuillers qui remuent ces trois ingrédients. Il ne faut pas être pressé.e, ça peut prendre quelques minutes.
![](../images/02/upupa/mur.jpeg)
![Un mur couvert d'affiches et de dessins à la main](../images/02/upupa/mur.jpeg)
Pendant que des conversations babéliques bouillonnent, au-de-là du sifflement de la bouilloire qui passe dune main à lautre, entre le bruit de leau qui coule et le raclement du pot de sucre encroûté, on entend chuinter la porte du coffre qui souvre et se referme pour la millième fois.
Après il faut laver les tasses, les chercher, les perdre. Les retrouver dans les endroits les plus improbables. Sous les tables, sur les étagères des livres, dans les toilettes. Dans les pots de fleurs, sur le muret en face mais dix mètres plus loin. Dans le parking ou de lautre côté de la route. Et il ny a pas que les tasses, mais aussi les verres, les bols, les pots de confitures, les boîtes à café, récipients de toutes les formes et mesures. Dans le croisement chaotique de personnes, paroles et objets qui constitue ce lieu, la préparation du café se charge dune signification rituelle particulière.

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@ -33,7 +33,7 @@
<dt>ven. 11 octobre 2024</dt>
<dd><a href="/calais-ca-existe-le-deuil-solidaire.html">Calais : ça existe le deuil solidaire ?</a></dd>
<dt>ven. 11 octobre 2024</dt>
<dd><a href="/est-ce-que-tu-maimes-vraiment.html">Est-ce que tu m'aimes vraiment</a></dd>
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<dt>ven. 11 octobre 2024</dt>
<dd><a href="/le-pado-carnet-de-bord.html">Le Pado : carnet de bord</a></dd>
<dt>ven. 11 octobre 2024</dt>

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@ -39,7 +39,7 @@ En lisant cette phrases, nous avons eu un drôle de frisson, et l'impression que
Nous constatons, dans notre petite ville de frontière, que la situation empire sans cesse depuis l'élection en 2020 d'un maire de droite dont le plus grand rêve est d'être invité chez Cyril Hanouna (pardonnez-nous la vulgarité de ces propos). Mais tout s'accélère dans le mauvais sens depuis l'extrémisation droitière du deuxième mandat macronien. Et cette descente aux enfers risque de s'étendre à tout le pays, avec la montée en puissance des partis fascistes aux élections européennes et aux législatives anticipées de 2024. Sans oublier une Union Européenne qui repousse les limites du droit, pour consolider des frontières meurtrières et des pratiques juridiques excluantes.</p>
<p>C'est un peu de cela que nous parlons, dans les pages qui suivent. Une chute drôle serait bien la bienvenue là, une lueur même évanescente d'optimisme. Mais non.</p>
<p><em>Merci aux contributeur·rices de ce 2ème numéro : Mody Bic, Vrrhngt, Plume, Biche, Ptitpois, FleurBleue, Le race salta fosso, sussurrimi, gravier, Legrosmulot, Dayion.</em></p>
<p><img alt="" src="../images/02/Couv.jpg"></p>
<p><img alt="Couverture du 2ème numéro de Ravages : un poisson géant arrive la bouche ouverte en-dessous d'un personnage qui nage" src="../images/02/Couv.jpg"></p>
</section>
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@ -49,7 +49,7 @@ Nous constatons, dans notre petite ville de frontière, que la situation empire
<li><a href="/edito_02.html">Edito</a></li>
<li><a href="/breves02.html">L'année 2024 vue d'ici</a></li>
<li><a href="/lexique-appel-dair.html">Lexique : appel d'air</a></li>
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<li><a href="/un-jour-comme-un-autre-a-upupa-ventimiglia.html">Un jour comme un autre à Upupa, Ventimiglia</a></li>

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<p>C'est un peu de cela que nous parlons, dans les pages qui suivent. Une chute drôle serait bien la bienvenue là, une lueur même évanescente d'optimisme. Mais non.</p>
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@ -51,7 +51,7 @@
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@ -40,7 +40,7 @@
</header>
<div class="entry-content ">
<p><em>Voici une interview de deux bénévoles de Woodyard. On y apprend plein de choses, jojo et moins jojo. On y trouve beaucoup de questions et de doutes, notamment autour des choix que nous faisons pour nous engager, nous les blancs qui passons du temps sur les frontières et qui partageons pour un bref moment la vie des personnes de passage. La vie et parfois la mort aussi. Y a autant de possibilités que dindividus, alors si tu lis cet article, cest loccasion pour toi, comme pour Paule et Julien, de te demander : et moi, pour quoi je suis là ?</em></p>
<p><img alt="" src="../images/02/calais/bois2.jpg"></p>
<p><img alt="Arbres vue du dessous" src="../images/02/calais/bois2.jpg"></p>
<p>Javais envie de parler de Calais, javais envie de demander ce qui fait quon y passe du temps, dans ce nord tout gris en hiver, comment on sy engage. Javais envie de raconter une histoire personnelle qui sinscrit dans la grande histoire du racisme dÉtat et des violences institutionnelles, et puis surtout javais pas envie de vous rajouter un texte factuel accablant et déprimant à souhait… Pour bien se renseigner et avoir les dernières infos sur la situation précise à Calais, y a un tout dernier rapport de Humans Rights Observer<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup>. Ici, cest le témoignage de Julien et Paule, bénévoles au Woodyard à Calais, qui nous plonge dans un récit dengagement, de questionnements et de colère<sup id="fnref:2"><a class="footnote-ref" href="#fn:2">2</a></sup>. Bon, cest quand même un peu accablant et déprimant, désolée.</p>
<p>Pour démarrer la conversation, jai simplement envie de savoir ce qui les amène à Calais. Julien se lance et me confie : « Avec mon ex-copine, on est parti il y a deux ans en quête dun changement. On a pris la route vers la Scandinavie pour travailler dans une ferme. Mais ça nétait pas ça. Ça clochait. Mon ex a dit «Je veux aller à Calais», et jai suivi ». Très vite elle est partie : « Elle a difficilement supporté le cumul entre les conditions de vie en coloc de bénévoles, lurgence permanente, et la dureté du terrain ». Il la comprend, mais reste. Il précise qu« elle nabandonne pas pour autant lenvie de lutter, et reprend ses études pour se spécialiser en droit des étrangers. Sa bataille, elle veut la mener sur le plan légal».</p>
<p>Ça nous fait parler des complémentarités des luttes. De qui fait quoi, et surtout de quelle énergie on a à certaines périodes de notre vie, à quoi on croit, comment on veut lutter. </p>
@ -122,7 +122,7 @@
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@ -29,7 +29,7 @@
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@ -29,7 +29,7 @@
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@ -45,7 +45,7 @@
<p>Bonne lecture,</p>
<p>Textes : FleurBleu, KroustiKebs, Mody-Bic, Biche, Plume, Verveine Citronnée, Libé-nul, Daiyon.</p>
<p>Illustrations : Le dindon de la furss, Nao, vrrhngt, Plume, François, Léon.</p>
<p><img alt="" src="../images/01/couverture.jpg"></p>
<p><img alt="Couverture du premier numéro de Ravages : aquarelle d'un paysage de montagnes" src="../images/01/couverture.jpg"></p>
<div class="footnote">
<hr>
<ol>

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@ -50,7 +50,7 @@ En lisant cette phrases, nous avons eu un drôle de frisson, et l'impression que
Nous constatons, dans notre petite ville de frontière, que la situation empire sans cesse depuis l'élection en 2020 d'un maire de droite dont le plus grand rêve est d'être invité chez Cyril Hanouna (pardonnez-nous la vulgarité de ces propos). Mais tout s'accélère dans le mauvais sens depuis l'extrémisation droitière du deuxième mandat macronien. Et cette descente aux enfers risque de s'étendre à tout le pays, avec la montée en puissance des partis fascistes aux élections européennes et aux législatives anticipées de 2024. Sans oublier une Union Européenne qui repousse les limites du droit, pour consolider des frontières meurtrières et des pratiques juridiques excluantes.</p>
<p>C'est un peu de cela que nous parlons, dans les pages qui suivent. Une chute drôle serait bien la bienvenue là, une lueur même évanescente d'optimisme. Mais non.</p>
<p><em>Merci aux contributeur·rices de ce 2ème numéro : Mody Bic, Vrrhngt, Plume, Biche, Ptitpois, FleurBleue, Le race salta fosso, sussurrimi, gravier, Legrosmulot, Dayion.</em></p>
<p><img alt="" src="../images/02/Couv.jpg"></p>
<p><img alt="Couverture du 2ème numéro de Ravages : un poisson géant arrive la bouche ouverte en-dessous d'un personnage qui nage" src="../images/02/Couv.jpg"></p>
</div><!-- /.entry-content -->
</section>
@ -61,7 +61,7 @@ Nous constatons, dans notre petite ville de frontière, que la situation empire
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<li><a href="/est-ce-que-tu-maimes-vraiment.html">Est-ce que tu m'aimes vraiment ?</a></li>
<li><a href="/le-pado-carnet-de-bord.html">Le Pado : carnet de bord</a></li>
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@ -1,7 +1,7 @@
<!DOCTYPE html>
<html lang="fr">
<head>
<title>ravages - Est-ce que tu m'aimes vraiment</title>
<title>ravages - Est-ce que tu m'aimes vraiment ?</title>
<meta charset="utf-8" />
<meta name="generator" content="Pelican" />
@ -35,7 +35,7 @@
<section id="content">
<header>
<h2 class="entry-title">Est-ce que tu m'aimes vraiment </h2>
<h2 class="entry-title">Est-ce que tu m'aimes vraiment ? </h2>
</header>
<div class="entry-content small-images ">
@ -43,23 +43,23 @@
<p><em>Alors à quoi ça ressemble, lamour avec lÉtat au milieu ? Comment est-ce que la quête de régularisation infuse le quotidien des couples mixtes ? Et comment les preuves administratives dans les relations mixtes peuvent-elles contribuer à reproduire un amour genré, toxique, et cumulant dépendances affective et administrative ?</em></p>
<p><em>Cet article est une discussion entre trois femmes cis blanches (quon a poétiquement nommées B, C, D) qui relationnent ou ont relationné avec des hommes sans papiers, pour mieux comprendre les questions de domination qui se jouent dans les relations amoureuses mixtes hétérosexuelles. Plus particulièrement, on sest demandé quelles étaient les conséquences intimes du gouvernement des sans-papiers par la menace<sup id="fnref:2"><a class="footnote-ref" href="#fn:2">2</a></sup>. Dans les entretiens qui suivent, plusieurs femmes évoquent les attachements contradictoires que ces obligations réelles ou anticipées font peser ou ont fait peser sur leurs relations amoureuses avec des hommes sans-papiers. Elles parlent de culpabilité blanche, de racisme ordinaire et de domination masculine. En tant quexpériences intimes de lingérence étatique, les relations mixtes nous invitent à questionner les manières dont lÉtat transforme lintime et érige des limites entre les amours acceptables et les inacceptables.</em></p>
<p><em>On a voulu collecter les témoignages de personnes sans-papiers dans des relations mixtes aussi, mais ça ne sest pas fait. Parce que nos réseaux sont surtout féminins, surtout blancs (quon se le dise), et parce que les copains ou ex-copains racisés de nos amies considèrent quils sont déjà assez scrutés dans leur couple pour en parler publiquement ici : leur perspective sur ce que ça fait dêtre en trouple avec lÉtat napparaît donc pas dans cet article. Ça nous a fait douter. On sest dit que cétait moyen de publier un article sur les couples mixtes en sappuyant uniquement sur lexpérience de nos amies blanches. En même temps, ya pas beaucoup de textes autour de nous qui parlent de relations mixtes entre militant·es blanc·hes et sans-papiers. Ça nous paraissait important de publier le peu de témoignages quon avait, aussi partiels et partiaux soient-ils. Cest un début, donc. Et qui sait ? Peut-être quà cette première lecture saggloméreront bientôt les témoignages dautres personnes concernées qui ne se sentent pas, ou peu, représentées ici.</em></p>
<p><img alt="" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL1.JPG"></p>
<p><img alt="Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL1.JPG"></p>
<p><strong>C :</strong> Cétait une histoire très brève. On sest vus quelques mois et ça sest arrêté, parce que cétait trop prise de tête. Il y avait trop de décalage entre nous. Cest une personne qui pouvait dire « je taime » très vite, faire des grandes déclarations, et moi je ne suis pas habituée. Ça mavait séduite au début, ce côté sécurité affective que je navais pas trouvé dans dautres relations. Demblée cest rassurant quand on te dit « je taime » ou quand la personne en face de toi est prête à sengager, alors quelle te connaît à peine. Je lai rencontré au refuge<sup id="fnref:3"><a class="footnote-ref" href="#fn:3">3</a></sup> où il était accueilli. Il était en situation dinfériorité par rapport à moi parce quil navait pas de papiers, et pour moi cétait compliqué de mettre des limites à ses déclarations parce que je me sentais coupable. Je me disais : cette personne est dans une situation de merde et je me sens obligée de répondre à ses attentes. Javais conscience de mes privilèges et je navais pas envie den jouer, mais cétait compliqué. Je me suis laissée embarquer dans cette culpabilité et ça ma dépassée. Jai préféré arrêter la relation avant que ça aille plus loin.</p>
<p><strong>D :</strong> Comment ça sest passé la séparation ?</p>
<p><strong>C :</strong> Jai eu du mal à mettre fin à la relation, parce que cette personne ne comprenait pas que je ne voulais plus dune relation amoureuse, mais que je voulais garder notre relation amicale. Il est revenu à la charge souvent. Il ne respectait pas mes limites. Peut-être que je nétais pas assez claire, en tout cas on a fini par ne plus se parler du tout, parce que ça ne fonctionnait pas. Aujourdhui je me dis quon était dans une relation daide qui prenait beaucoup de place, dès le début. Administrativement pour lui cétait compliqué, donc moi je lui expliquais plein de choses, et ça ma épuisée. Cétait dur parce que javais limpression de laisser cette personne dans la merde, alors quelle avait dautres personnes-ressources, mais je culpabilisais quand même.
<strong>D :</strong> Il ta déjà fait des reproches par rapport à ça ?</p>
<p><strong>C :</strong> Non, jamais. Cest moi qui minvestissais dune mission. Lui, il me demandait des trucs mais sans vouloir être une charge. Moi jallais au-devant de ses demandes. Jétais dans une logique de sauveuse. Lautre chose compliquée cest quon vivait à Briançon. Cest tout petit comme ville, et moi je ne voulais pas que notre relation se sache, alors on se voyait dans des endroits où jétais sûre de ne croiser personne. Javais peur du regard des gens parce que jétais moi-même pas sûre de cette relation, ou de pourquoi jétais dedans. Javais tellement de questions dans la tête que je navais pas envie davoir en plus des regards extérieurs dessus. Cétait trop tôt. Cétait pesant au quotidien. Je navais pas le courage.</p>
<p><strong>D :</strong> Et tu penses que sans ces questions administratives taurais pu rester dans cette relation ?</p>
<p><img alt="" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL2.JPG"></p>
<p><img alt="Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL2.JPG"></p>
<p><strong>C :</strong> Je pense, oui. Je me suis clairement dit : jai la flemme de membarquer là-dedans. Jai arrêté cette relation parce que jai déjà eu pas mal dhistoires compliquées avant, et javais plus le courage de recommencer. Cest une question dusure. Je me suis dit non, plus de lourdeur pour moi. Peut-être que sil ny avait pas eu de différence de statut entre nous ça aurait été plus léger et je me serais sentie daller plus loin, mais là ça me paraissait trop. Trop de problèmes trop tôt. Mais du coup je me demande comment ça marche pour les relations mixtes qui tiennent dans le temps. Comment vous avez fait vous au début, et comment vous faites maintenant ?</p>
<p>B: Moi je suis encore dans une relation mixte. On sest rencontré à Briançon. Il vivait là depuis longtemps quand je suis arrivée, il avait un lieu de vie, il avait son espace à lui, il ne venait pas de traverser la frontière, je pense que ça a aidé au début. Puis est venue la question de la régularisation et du PACS. Mélanger la question des papiers à lamour, cest compliqué. Est-ce que le PACS, cest juste une formalité administrative ? Ou une preuve damour ? Les deux se mélangent toujours. Au début, je pensais pouvoir dissocier le couple administratif et le couple amoureux, mais en pratique, ça ne fonctionne pas, en tout cas pas pour moi. Le problème avec le fait de commencer une procédure de régularisation, cest quil faut se projeter dans un engagement de plusieurs années. Cest-à-dire quil faut dabord prouver un an de vie commune, et la personne peut accéder à un titre de séjour dun an. Mais ce titre de séjour ne sera renouvelé que sil y a encore vie commune. Puis il aura un titre de séjour de deux ans, renouvelé sil y a vie commune. Et normalement, au bout de ces trois ans, il a un titre de séjour pluriannuel, de cinq ans, si tout va bien. Donc il faut se projeter sur au moins trois ans, voire plus. Ce qui est compliqué, cest de se dire que si jamais tu tengueules, si jamais tu ne peux même plus être ami·e avec la personne et que tu la quittes, alors il naura pas son renouvellement de titre de séjour. Et cela ajoute une autre dimension à la rupture. À Briançon jai rencontré une personne qui sétait mariée avec un gars sans-papiers qui avait eu ses papiers, et elle disait que dans ce genre de relations il y avait toujours au moins deux formes de domination : la domination des blanches sur les sans-papiers et la domination des hommes sur les femmes. Et donc chaque fois quon parle de culpabilité blanche, il y a aussi la question de lhétérosexualité et des structures patriarcales. Est-ce que je me sens coupable parce que je suis blanche ou parce que je suis une meuf ? Les deux. Mais si je refuse de me plier à tes demandes en tant que meuf, cest aussi une forme de domination.</p>
<p><strong>C :</strong> Oui, à cette question de culpabilité blanche se mêle aussi une culpabilité très genrée, celle dune meuf. On se remet en question constamment, on va toujours au-devant des besoins de lautre, on na pas envie que la personne se sente mal.</p>
<p><img alt="" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL3.JPG"></p>
<p><img alt="Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL3.JPG"></p>
<p>B: Oui cest sans fin. Alors si les relations hétéros sont déjà prises de tête de base, cest sûr que relationner avec une personne sans-papiers ça rajoute des complications, et ça enlève beaucoup de légèreté. Il faut compter la soixantième facture en essayant de laisser un peu de place au romantisme. Dans mon couple, jai limpression quon aborde beaucoup ces questions. Peut être même quon les a trop abordées dès le début et que cétait vraiment lourd pour tous les deux. On a eu limpression que cétait impossible. Et puis la question des papiers, ça instaure aussi un doute permanent. Est-ce quil est avec moi pour avoir ses papiers ou est-ce quil maime vraiment ? En fait Z dans notre couple il est doublement surveillé : par ladministration et par moi, qui lui demande des preuves damour. Et ça je lai réalisé sur le tard, mais je sais que mes questionnements sur sa sincérité, sur son engagement, ça a été hyper dur à vivre pour lui. En même temps jaurais été naïve de ne pas me poser la question. Parce que ça existe, les mecs qui séduisent des femmes blanches pour les papiers. Et en même temps, il y avait de la méfiance par rapport à mes intentions à moi aussi. Il avait peur que je lutilise comme une caution militante. La méfiance, du coup, elle vient des deux côtés. Sauf que pour la personne sans les bons papiers dans le couple, la menace est triple : elle vient de ladministration (qui te demande des preuves de vie commune), de la personne avec qui tu relationnes (qui peut te larguer du jour au lendemain et te laisser dans une situation administrativement compliquée) et de son entourage, de sa famille et ses potes qui doutent parfois aussi de tes intentions. A tout ça se mélangent les différences de culture, de classe sociale, etc.</p>
<p><strong>D :</strong> Cest trop chiant parce que cest la période du couple où tes censée pas te prendre la tête, où tes amoureux·se et tout va bien, et ça se transforme en mal-être permanent.</p>
<p>B : Oui, et puis ça te met des contraintes énormes aussi. Prouver la vie commune à lÉtat ça veut aussi dire que tu dois être un·e bon·ne citoyen·ne. Tu peux difficilement vivre en squat, tu paies ton loyer, tes factures, tu gardes le ticket de caisse quand tu vas faire tes courses, tu es dans une course aux preuves permanente... Il y a des collectifs qui nous aident pour constituer le dossier quon devra déposer à la préfecture. Une personne dans un collectif mexpliquait que pendant notre entretien à la préfecture, il ny a que moi qui aurai le droit de parler, et pas Z. Cest jamais létranger qui parle, toujours la personne française. Cest terrible, cest aussi se dire que la personne étrangère, qui a fait tout ce chemin, doit passer par une autre personne pour recevoir ses papiers. Ça peut créer un sentiment de redevabilité qui peut être très lourd. Et puis il y a un peu un truc de « tu auras tes papiers si tu arrives à séduire une meuf blanche, si tu es un partenaire exemplaire ». Il y a pas mal de films qui mettent en scène une meuf française qui tombe amoureuse dune personne qui a pas les bons papiers. Et cest toujours une meuf qui soit a perdu son mari, soit est en dépression. Et le mec sans les bons papiers, cest le seul qui arrive à séduire la meuf, et donc il aura ses papiers parce que cest un bon partenaire, un bon mari (et donc un bon candidat à la citoyenneté)<sup id="fnref:4"><a class="footnote-ref" href="#fn:4">4</a></sup>.</p>
<p><img alt="Dessin : des personnages se mélangent, on ne distingue pas les membres des uns de ceux des autres" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL4.JPG"></p>
<p><strong>D :</strong> Au Planning Familial, jai rencontré un Nigérian sans-papiers qui vit en France depuis six ans. Il racontait quavoir une relation amoureuse avec une meuf blanche, cétait trop compliqué. Se mettre en couple avec une meuf blanche, pour lui, ça voulait dire se plier aux injonctions dintégration, se montrer en accord avec les valeurs de la République et tous les délires assimilationnistes jusque dans le quotidien, dans lintimité. Cest sadapter encore plus profondément à des façons de faire qui ne sont pas les siennes. En même temps il disait que les Nigérianes en France, elles ne sont pas intéressées par des relations amoureuses avec des mecs sans-papiers, parce que souvent ils nont pas beaucoup dargent, ils sont dans une situation précaire. Les Nigérianes qui viennent en France elles veulent autre chose. Du coup, pour eux, il ne reste plus grand-chose. Cest compliqué des deux côtés. Et beaucoup de personnes sans-papiers se retrouvent complètement en dehors des relations affectives et amoureuses hétérosexuelles.</p>
<p><img alt="" src="../images/02/est-ce%20que%20tu%20m'aimes%20vraiment/REL4.JPG"></p>
<div class="footnote">
<hr>
<ol>
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@ -39,7 +39,7 @@ En lisant cette phrases, nous avons eu un drôle de frisson, et l'impression que
Nous constatons, dans notre petite ville de frontière, que la situation empire sans cesse depuis l'élection en 2020 d'un maire de droite dont le plus grand rêve est d'être invité chez Cyril Hanouna (pardonnez-nous la vulgarité de ces propos). Mais tout s'accélère dans le mauvais sens depuis l'extrémisation droitière du deuxième mandat macronien. Et cette descente aux enfers risque de s'étendre à tout le pays, avec la montée en puissance des partis fascistes aux élections européennes et aux législatives anticipées de 2024. Sans oublier une Union Européenne qui repousse les limites du droit, pour consolider des frontières meurtrières et des pratiques juridiques excluantes.</p>
<p>C'est un peu de cela que nous parlons, dans les pages qui suivent. Une chute drôle serait bien la bienvenue là, une lueur même évanescente d'optimisme. Mais non.</p>
<p><em>Merci aux contributeur·rices de ce 2ème numéro : Mody Bic, Vrrhngt, Plume, Biche, Ptitpois, FleurBleue, Le race salta fosso, sussurrimi, gravier, Legrosmulot, Dayion.</em></p>
<p><img alt="" src="../images/02/Couv.jpg"></p>
<p><img alt="Couverture du 2ème numéro de Ravages : un poisson géant arrive la bouche ouverte en-dessous d'un personnage qui nage" src="../images/02/Couv.jpg"></p>
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<div class="entry-content ">
<p><img alt="" src="../images/02/pado%20couv.jpg"></p>
<p><img alt="Dessin de nombreuses silhouettes rassemblées devant un bâtiment" src="../images/02/pado%20couv.jpg"></p>
<p><em>Cest ouf un squat. Ça pue, ça craint, ça dépanne. Ça use et ça te sauve la vie. Ty as passé une semaine et tu dirais un an. Dans un squat tu pleures et tas peur. Tu dors, tu manges, tu troques ta doudoune. Tu décores ta chambre, tu danses, tu apprends des langues. Tu fumes. Tu te fâches à mort et tu tombes amoureux·se. Tu cours partout puis tout sarrête dun coup. Et tu glandes. Et tu tennuies. Et tu rigoles. Des mots très abstraits deviennent tellement concrets que ça fait mal, que ça fait du bien. Cest rageant et sidérant, ça te transforme. Des mots comme: répression, racisme, propriété. Insalubrité, faim, misère. Solidarité, amour, liberté.</em></p>
<p><em>Tellement de choses débiles ont été dites sur le Pado, tellement de calomnies. Sauf que, pendant deux mois au moins, cétait le seul lieu à Briançon où les gens qui passent la frontière pouvaient sabriter et se reposer quelque temps, avant de repartir. Cétait au moment où le Refuge Solidaire avait fermé parce quil y avait trop de monde, parce que cétait trop dur, parce que cétait « à lÉtat de sen occuper ». Et, quand le Refuge a rouvert ses portes, le Pado pouvait accueillir celleux qui sont mis·es dehors au bout des trois jours réglementaires de l «accueil inconditionnel», celleux qui ont besoin dun peu plus de temps pour repartir, celleux qui ne savent pas où aller. Mais tout cela sest arrêté un 13/12<sup id="fnref:1"><a class="footnote-ref" href="#fn:1">1</a></sup>.</em></p>
<p><em>Tellement de calomnies. Après lexpulsion, les propriétaires du bâtiment ont été jusquà pleurer devant les journalistes de la télé. « Nous avons prêté notre maison aux migrants et regardez ce quils en ont fait ! ». Mais iels navaient rien prêté du tout. Iels venaient cracher sur nous pendant loccupation (vraiment !), quand on essayait de leur montrer à quoi ça servait, pourquoi, à qui. Iels nous ont coupé leau et lélectricité. Iels ont harcelé le maire et le préfet pour quils nous foutent dehors le plus rapidement possible. Et iels lont récupéré de force, leur bâtiment inutilisé depuis des années, leur bel investissement immobilier. Iels lont récupéré en pleine trêve hivernale, quand il y avait encore une soixantaine de personnes quy habitaient et qui navaient pas dautres lieux où aller. Iels nous ont rien prêté du tout. Non, vraiment.</em></p>
@ -143,7 +143,7 @@ marche pas à Briançon. Ici les flics ont plus de droits quailleurs.</p>
<p><strong>Tu seras bien là-bas.</strong></p>
<p><strong>Inchallah.</strong></p>
<p>Plus tard encore, la nuit est tombée. Repas bien organisé, pas de bagarre, pas de cris, pas de fâcherie, pas de bousculade, une file, wakhed wakhed. Et il y a eu assez à manger pour tout le monde. Pour deux cents personnes. Tout va bien.</p>
<p><img alt="" src="../images/02/pado1.png"></p>
<p><img alt="Dessin de nombreuses silhouettes regroupées avec des bols vides devant des marmites" src="../images/02/pado1.png"></p>
<p>Encore plus tard, prendre ni papier, ni téléphone. Baisser tous les sièges du coffre. Partir en deux voitures. Prendre à droite après la station-service. Entrer dans la cour de limmeuble, tous phares éteints. Couper les moteurs. Se faufiler vers la porte entrouverte. Louvrir en grand, sans faire de bruit. Et remplir. Remplir nos bras de couvertures, de balais, dassiettes, puis remplir les coffres, les remplir à ras bord, de seaux, de pelles, déviers, de coussins, de louches. Vider lhôtel abandonné pour remplir nos coffres. À bloc. Puis fermer les portières tout doux, sans faire de bruit, sans rien dire. Démarrer. Rouler. Tranquille. Tout doux. Croiser une voiture de police. Rouler, tranquille. Arriver au Pado. Tout décharger sous le barnum.</p>
<p>Et puis danser. Danser sous la demi-lune. Danser la vie au milieu du froid parce quaujourdhui on a vidé le coffre-fort de la ville pour garnir notre château-fort de marmites et de couvertures. Et ça cest bon. Et ça sonne juste. Cest la vie qui déborde pour de vrai. Cest un putain de shoot comme jen ai jamais connu. Enfin si, peut-être, mais pas pour les mêmes raisons. Pas pour le même mot. Pas pour ce sentiment entier, dense, compact, solide, solidus, solidarité.</p>
<h4>25 septembre</h4>
@ -282,7 +282,7 @@ Et je rêvais que certains restent, que lon vive tous ensemble, que lon fa
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@ -82,7 +82,7 @@ entier du politique, guidé par lobjectif de la plus grande absence de solida
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@ -48,7 +48,7 @@
En 2015 cette frontière sest partiellement refermée. LEtat a établi une liste de 285 points stratégiques, appelés points de passages autorisés (PPA), autour desquels les contrôles didentité ont été légalisés, sans que personne ne soit ni recherché ni pris en flagrant délit de quoi que ce soit. Officiellement ce rétablissement des contrôles aux frontières ne pouvait durer que 6 mois, et nêtre renouvelé que pour une durée totale de deux ans. Pourtant, cela fait maintenant 8 ans que la police contrôle, expulse et enferme le long de la frontière sans aucune base légale.</p>
<p>Quant à celles et ceux qui ont le malheur darriver tout droit de plus loin dun pays extérieur à la zone Schengen lEtat a là encore une solution. Depuis 1992, des zones appelées « zones dattente » il y en a presque 100 en France permettent aux autorités de contrôler lidentité des gens et de les immobiliser, jusquà 26 jours, dans les ports, les aéroports et les gares internationales. En 2003, ces zones ont été étendues des points de débarquement à leurs environs, ce qui implique, en clair, que toutes les côtes françaises sont désormais des lieux où les immobilisations arbitraires sont possibles, et légales.</p>
<p>Fiction juridique, la frontière nen est pas moins réelle pour celles et ceux qui la traversent chaque jour sans la bonne couleur de peau, ou à défaut les bons papiers. Et si elle reste une construction historique relativement récente, cest dans le registre de luniversel que la frontière puise sa légitimité, jusquà devenir une évidence territoriale, une sorte de sens commun dans la manière dont nous envisageons lespace. Pourtant, et cest ce qui nous intéresse dans la partie suivante, les frontières nont rien de naturel, et leur adéquation avec certains traits de paysage comme les rivières ou les montagnes est elle aussi une fabrication nationale.</p>
<p><img alt="sommets" src="../images/Sommets.jpg"></p>
<p><img alt="sommets" src="../images/01/Sommets.jpg"></p>
<h3>Frontières synthétiques</h3>
<p>Au XVIIe siècle le mot « frontière désignait une ligne de front, celle qui se tenait face à lennemi, peu importe que celui-ci se trouve au milieu ou en périphérie dun territoire donné. La « frontière » délimitait une zone de défense. Cest au siècle suivant que frontières militaires et frontières nationales ont commencé à coïncider, dans les écrits officiels comme dans ceux des Lumières, qui sévertuaient alors à ancrer la nation dans un territoire propre. Bien souvent cest dans le paysage que les philosophes allaient piocher pour donner à la nation ses limites. Pour Rousseau ou Montesquieu, la nature avait établi sur Terre les frontières idéales de la France et des autres Etats : le Rhin, les Pyrénées et les Alpes fournissaient à la jeune nation française des limites toutes trouvées. Cest la Révolution, autrement dit, qui nationalisa lidée dune frontière dite naturelle, et naturalisa celle des frontières nationales.</p>
<p>Dans son histoire du Rhin, Lucien Febvre retrace les enjeux nationalistes du fleuve qui marque la frontière entre lAllemagne et la France. Alors que depuis le XVIe siècle le Rhin était considéré en Allemagne comme un fleuve sacré et sacrément national, lhistorien démontre au contraire comment le fleuve fut, au cours de lhistoire, un lieu déchanges économiques, culturels et linguistiques. Le fleuve, comme la frontière quil trace dans la géographie européenne, figure non pas comme un donné naturel mais comme un produit de lhistoire humaine, et loutil naturel dune politique nationaliste.</p>

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@ -48,22 +48,22 @@
<p><strong>R:</strong> Et tu lui as pas dit que tu voulais pas le manger?</p>
<p><strong>P:</strong> Non, je lui ai même pas dit que cest pas bon, que je naime pas, je lui ai même pas dit, parce que M. lui avait déjà dit quil aimait pas, il a gouté et il a arrêté de manger, donc jai mangé pour quil soit plus à laise, jai mangé avec beaucoup de sel et après jai eu mal au ventre, mais cest passé. Depuis L. a fait dautres plats. Même aujourdhui il a fait une blanquette de veau, parce quon est allé regarder le match de foot et yavait personne pour faire la cuisine, donc cest lui qui nous a préparé la sauce.
[Pendant que P. parle, X, un autre jeune accueilli, pose une cagette de provisions sur la table du salon.]</p>
<p><img alt="assiette" src="../images/integration%202.jpg"></p>
<p><img alt="assiette" src="../images/01/integration%202.jpg"></p>
<p><strong>R:</strong> Tas ramené quoi sur la table ?</p>
<p><strong>X:</strong> Ça, ça vient des Restos du Coeur. Depuis quon la pris aux Restos du Coeur personne ne la mangé. Ça, cest pareil. Ça, cest de la crème fraiche, tu peux la jeter. Jai fait une liste mais personne na acheté ce que jai demandé. On peut parler des courses ? Concernant les courses, ya quelques éducateurs qui font comme sils étaient chez eux. Par exemple, un jour on a fait une liste, et quand léducatrice est arrivée elle a laissé la liste quon avait écrit et elle a acheté ce quelle voulait, et maintenant il parait quil nous reste plus assez de budget, mais elle, elle a acheté ce quelle voulait, de la crème fraiche, du café, pourtant il y avait déjà du café, mais elle en a racheté au lieu dacheter ce que nous on avait écrit. Elle a acheté ce quelle voulait, parce que cest elle qui fait les courses ici. Ya beaucoup de choses quils achètent [les éducateurs], bon, si tachètes et que tu fais la cuisine pour nous, si on ta dit que cest bon, alors on peut accepter, mais si on mange pas ce que tu cuisines, cest pas acceptable.</p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%203.jpg"></p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/01/integration%203.jpg"></p>
<p><strong>R:</strong> Et vous allez jamais faire les courses vous-mêmes?</p>
<p><strong>P:</strong> Bien sûr, avant on allait faire les courses une fois par semaine, mais depuis le mois du Ramadan on a arrêté. Seulement hier on est retourné faire des courses, on est parti tous les trois, on a fait une liste, et un éducateur nous a dit quon navait plus de budget et quon devait faire attention. Quand on est allé au supermarché on a compté. Jai dit à léducateur qui était venu avec nous, trente-cinq euros pour finir le mois, on ne peut pas acheter tout ce quon veut, donc jachète, et si le budget finit tu dis au chef que ce mois-ci on a dépassé le budget, pour quil puisse compter sur le mois prochain. Il a dit « non, je vais me faire engueuler par le chef ». Moi jai laissé le chariot sur place et je suis rentré à la maison. En rentrant il ma crié dessus, il ma dit que je métais mal comporté avec lui.</p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%204.jpg"></p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/01/integration%204.jpg"></p>
<p><strong>X:</strong> Ici on a 150€ par mois pour la nourriture, par personne [ils sont six], et à part Z. qui amène sa nourriture à la maison, les autres ils mangent ce quil y a dans le frigo. Si quelquun vient et ne cuisine pas, il ne devrait pas manger avec nous. Mais si la personne cuisine, elle peut manger avec nous, cest donnant donnant. Est-ce que vous êtes ici pour cuisiner ou est-ce que vous êtes ici pour manger notre argent ? Sils cuisinent ça peut aller. Quand L. a dit quon navait plus dargent ça ma étonné, parce quon nest pas allé faire les courses depuis le Ramadan, cest les éducateurs qui amènent à manger. On na pas pu acheter pour 900€ de nourriture en deux semaines, cest pas possible.</p>
<p><strong>R:</strong> Est-ce que vous allez aussi au Secours Populaire ou aux Restos du Cœur pour les courses ?</p>
<p><strong>P:</strong> Avant on partait, quand le budget de la nourriture cétait 900 euros, on partait chaque mercredi, et quand ils ont ajouté 100 euros sur le budget, ce qui fait 1000 euros, on nous a dit quon nallait plus aller là-bas. Jai dit daccord. Jusquà présent personne nest retourné là-bas parce que la déci-sion vient du chef. Nous on ne peut plus rien dire. On a même fait deux jours, il ny avait plus rien dans le frigo, on a parlé avec léducateur, il a dit quil pouvait pas aller faire les courses. Alors jai fait en sorte quon puisse avoir à manger, je crois que cétait la pomme de terre que javais fait, jai cuit les pommes de terre avec les œufs, cest ça que jai fait à manger. Il ny avait pas de poulet, il ny avait pas de riz, pas de couscous. Même jai parlé avec le directeur ici, à la réunion, il a dit quon pouvait faire une liste de courses mais ce que les éducateurs achètent on est obligé de laccepter. Il dit « si tout à lheure L. part acheter de la crème fraîche, et si toi tu naimes pas, tu le manges quand même, cest un plat français. »</p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%205.jpg"></p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/01/integration%205.jpg"></p>
<p><strong>R:</strong> Et vous en pensez quoi quand ils vous disent des trucs comme «Il faut manger français, cest important pour votre intégration» ?</p>
<p><strong>P:</strong> On peut manger des plats, de la nourriture française, quand nous sommes arrivés cest ce quon mangeait, puisquon navait pas commencé à préparer nous-mêmes à manger. Cest les éducateurs qui préparent à manger, mais nous aussi on veut essayer de faire des trucs, laissez-nous tranquillement faire notre truc, on se met à laise et ça passe. Nous on veut juste pouvoir faire nos courses, et eux [les éducateurs] ils sont là pour signer les reçus, même pas pour payer avec leur argent, pour signer le reçu seulement. Après on revient à la maison. Cest ce quon veut.</p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%206.jpg"></p>
<p><img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/01/integration%206.jpg"></p>
<p><strong>R:</strong> Ya dautres choses que vous navez pas le droit de faire ici ?</p>
<p><strong>P:</strong> Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. <img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/integration%207.jpg"> Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »</p>
<p><strong>P:</strong> Un jour un ami ma envoyé de la semoule de manioc, que nous on appelle en Côte dIvoire de lattiéké, quon mange beaucoup avec la main, jamais avec une cuillère, même les riches ils mangent avec la main. Ce jour-là jai fait de lattiéké, avec des haricots, des œufs, et on a mangé avec A. [un jeune pris en charge par lassociation]. On était à laise, on mangeait, et moi mon plat était un peu caché, parce quun éducateur était là mais il voyait pas, et quand il est rentré dans la cuisine il a vu A., et il a commencé à dire « Mais quest-ce que tu fais ? » Moi je parlais pas, je mangeais, et léducateur a commencé à crier sur A., « Les gars ça se fait pas ici, on na pas le droit de manger avec la main. » Il a continué à parler, mais moi à un moment jai pris la parole et on sest engueulé. Il a dit « et si Emmanuel Macron il arrive tout à lheure, est-ce que tu mangeras avec la main? » Jai dit « il est où Emmanuel Macron? Je sais que la France cest pour toi, mais la Côte dIvoire cest pour moi, je mange avec la main, tu peux pas me forcer à manger avec une cuillère », parce quon est chez nous ici, même si cest pas chez nous, on dort ici, on mange ici, on fait tout ici, donc cest chez nous. Il me dit « Et si on te voyait dans un restaurant ? » Je lui dis « Déjà moi jaime pas aller dans les restaurants, jaime pas, je préfère manger chez moi, à laise, tranquille, je bois mon eau et jai fini. » Avec un repas au restaurant ça me fait deux semaines de courses à la maison, donc chez moi cest mieux. Après dautres éducateurs sont arrivés et nous ont dit quon ne pouvait pas manger avec la main. Nous on a dit, « quand on mange, allez dans le bureau, fermez le bureau, et laissez-nous manger dans la cuisine. Vous êtes là pour travailler avec nous, pas pour venir faire votre loi comme vous faites avec vos enfants. » Ca sest passé comme ça avec eux. <img alt="Tu le manges quand même c'est un plat français" src="../images/01/integration%207.jpg"> Après le chef est venu, il a essayé de nous obliger à manger avec une cuillère ou une fourchette, il a dit « parce que quand vous allez commencer votre apprentissage, vous allez manger avec des collègues, et si vous mangez avec votre main... » Jai dit « Déjà jai pas encore commencé lapprentissage, et quand je commence, si je vois que tous mes amis ont des cuillères, moi aussi je vais prendre une cuillère, je vais pas manger devant eux avec ma main. Mais ici je suis chez moi cest pour ça que je mange avec la main. » Si jai envie de manger avec ma main, je mange avec ma main. Tout est comme ça ici. Hier jai dit au nouvel éducateur, « Ici je vis dans une petite prison. Je vis dans une petite prison. »</p>
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<p>Après la sortie du premier numéro, certain·es acteur·ices du milieu associatif briançonnais ont tenu à nous signifier que tout ce que nous faisions, disions, étions (nous les squatteur·euses du Pado, nous les wokes né·es de la dernière pluie, nous les lobbyistes méga-chiant·es du politiquement correct), tout cela était nul. Mais nul. Comment osions nous pointer du doigt les attitudes racistes et sexistes au sein des mouvements solidaires (qui sont irréprochables, on la bien compris) ? Comment osions nous user de ce ton grossier, outrancier, pas fédérateur pour un sou, et déranger les bonnes consciences en pleine sieste ? Après lexpulsion du Pado, on nous a trait·ées de « connards de Ravages » (alors quà vrai dire on serait plutôt des connasses). On nous aura accusé.e de "nuire à la société" (merci!) avec « nos affiches avec des hommes enceintes dessus ». Et un autre plus fantaisiste encore nous aura traité.es de « techno-stalinien⋅ne⋅s qui ne savent même pas faire la vaisselle ». Chapeau.</p>
<p>Face à ces déferlantes damour et dadhésion, nous avons voulu en remettre une couche. Et remercier en passant nos lecteur·ices : les copaines teeellement nombreuses, de Vintimille à Calais et plus loin encore, mais les réacs aussi. Merci pour vos critiques, toujours constructives évidemment, vos injures, vos frustrations et vos mauvaises haleines !</p>
<p>Mais pour continuer la sieste il va falloir mettre des bouchons dans les oreilles. Parce que voilà, oui, on est woke. On est woke et on vous dit phoques. Et c'est pourquoi, dans ce numéro, y a des phoques partout.</p>
<p><img alt="" src="../images/02/danse.png"></p>
<p><img alt="Dessin de personnages qui dansent" src="../images/02/danse.png"></p>
</div><!-- /.entry-content -->
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@ -55,7 +55,7 @@
<p>Nous opposons assez facilement à limage de montagne-frontière celle dune montagne-refuge, un récit qui sappuie sur limaginaire montagnard, et quelques formules de bon sens : « on nabandonne pas quelquun en montagne » ; « en refuge, on ne laisse personne dormir dehors, quitte à dormir sur et sous les tables », etc. Si ce récit peut correspondre à une certaine réalité, il comporte également un certain nombre de dangers. En ne nommant pas les violences racistes et sécuritaires qui rendent ces « refuges » nécessaires, il empêche de sattaquer aux problèmes de fond. Il fait aussi de la montagne un territoire dexception par rapport aux autres territoires, alors même que, par principe, la liberté de circulation devrait être défendue partout.</p>
<p>La mise en spectacle de lhospitalité et des maraudes crée dautre part une figure de héros-solidaire dont dépendent les personnes en exil pour arriver à bon port. Cest-à-dire quon naturalise lidée selon laquelle les « solidaires » seraient indispensables aux personnes en exil, ce qui revient à les priver de leur capacité daction et de leur autonomie. On recrée ainsi une situation de domination, dans laquelle le héros-solidaire confisque le pouvoir au lieu de contribuer à lémancipation des personnes quil prétend aider.</p>
<p>Comment alors faire exister des récits qui permettent lémancipation des personnes en exil, et démontent les structures racistes ? A lévidence, la première chose à faire est de rendre visible la ségrégation raciste que produit la frontière, et que les autorités cherchent à cacher. Reste ensuite à imaginer, et diffuser, des imaginaires territoriaux qui favorisent lémergence despaces et de structures sociales émancipatrices.</p>
<p><img alt="chez Marcel" src="../images/chezmarcel_plein.png"></p>
<p><img alt="chez Marcel" src="../images/01/chezmarcel_plein.png"></p>
<h3>On ne dit pas des herbes sauvages quelles forment des forêts !?<sup id="fnref:4"><a class="footnote-ref" href="#fn:4">4</a></sup></h3>
<p>Lidée que tout le monde puisse circuler et sinstaller où bon lui semble peut paraître aussi absurde que le titre de cet article. Pourtant, lexpérience montre quil peut exister des structures sociales et des modes dorganisation collectifs qui permettent aux personnes exilées dêtre dans une posture dacteur.ices et de regagner de lautonomie. Des structures dans lesquelles la notion « détranger.e » ne fait que peu de sens et celle de « personne accueillie » est rapidement remplacée par celle de « cohabitant.e » ou de « voisin.e ». Comment seulement faire que ces possibles émancipateurs remplacent les conceptions racistes dans les imaginaires et les récits territoriaux ?</p>
<p>Lutter pour lémancipation individuelle et collective cest redonner le pouvoir dagir aux personnes qui en ont été privées : un pouvoir dauto-détermination, mais aussi et surtout un pouvoir dagir politique. La politologue Fatima Ouassak, comme dautres théori-cien.nes de la pensée décoloniale, montre que rien de cela ne peut se faire sans laisser aux personnes exilées un « accès à la Terre », et la possibilité de vivre où elles le souhaitent. Souvent considérées comme des sources dinsécurité potentielles, les personnes immigrées ou considérées comme telles ne sont presque jamais associées aux choix politiques ou urbanistiques impactant leurs lieux de vie. Les politiques locales mises en place par messieurs Murgia ou Hermitte sont une déclinaison locale de la politique sécuritaire en œuvre au niveau national : elles cherchent, presque explicitement, à faire du Briançonnais un territoire inhabitable pour toute une partie de la population. Les personnes exilées sont par défaut exclues, exceptionnellement tolérées, mais uniquement dans des lieux prévus à cet effet, qui incarnent limaginaire de la « bonne solidarité »; des lieux dans lesquels on peut être « accueilli », mais où on ne vit pas. Si lon suit la proposition de Fatima Ouassak, lenjeu nest pas doffrir aux personnes exilées un retour à la Terre au sens écolo-privilégié de lexpression, mais de leur rendre la possibilité dhabiter, comme elles veulent, et où elles veulent.</p>

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@ -41,7 +41,7 @@
<div class="entry-content ">
<p><em>Upupa en Italien signifie huppe. Une huppe en Français cest un oiseau migrateur, au regard sombre et au plumage bariolé (blanc, orange et noir). Mais Upupa cest aussi le nom dun Info-point situé à Vintimille, ville italienne à la frontière avec la France, devant le grand campement de la Via Tenda, sous le pont de lautoroute. Créé par plusieurs collectifs locaux, cest le seul endroit vraiment ouvert à toustes, dans cette ville où, même pour accéder à la bibliothèque, il faut montrer un document didentité.</em></p>
<p><em>Des copaines de Vintimille nous racontent le quotidien dUpupa, à travers les voix des personnes qui fréquentent le lieu. Écrit à plusieurs mains, il est entre le recueil dhistoires, la narration et la mise en mots dun imaginaire collectif. Ce que vous vous apprêtez à lire ne se veut ni exhaustif, ni représentatif du lieu, de sa complexité et de lénergie quil contient.</em></p>
<p><img alt="" src="../images/02/upupa/tente.jpg"></p>
<p><img alt="Gravure d'une tente noyée dans une inondation" src="../images/02/upupa/tente.jpg"></p>
<p>Vintimille, un jour quelconque dun mois quelconque. </p>
<p>Il nest pas encore deux heures de laprès-midi et Gaï est déjà assis sur le muret en face dUpupa, à côté de sa trottinette. On est dimanche et cest son deuxième jour de repos. Demain il va retourner à Albenga pour le travail.</p>
<p>« Upupa is good for everyone, for migrants and for people living here. Upupa is the most important help, without Upupa people would be suffering. Without it they will not have a place. »</p>
@ -65,7 +65,7 @@ a débordé après les fortes pluies.</p>
<p>Je suis là depuis deux mois. Si quelquun me demande, moi je laide. Mais si on me demande pas, je laisse faire et les gens font ce quils veulent. Il manque un peu de rangement. Les gens débarquent ici sans savoir comment il marche ce pays, donc ils ont besoin dapprendre la langue et de comprendre ce qui se passe.»</p>
<p>Pendant que Ahmed parle, une connaissance à lui entre par hasard dans le local. Ça fait 35 ans quil habite à Ventimiglia et cestaujourdhui, pour la première fois, quil sest décidé à passer la porte, parce quil a vu beaucoup de monde à lintérieur. Avec un regard émerveillé et plein de curiosité, il dit rapidement bonjour à tout le monde, avant de repartir chez lui avec ses sacs de courses.</p>
<p>Une autre personne qui vient juste dentrer cherche du sucre pour se faire un café. Depuis que Mustafa est là, le sucre on le range dans le coffre, comme le plus précieux des biens. Il y en a toujours trop et il finit toujours trop vite. Le lieu semble lengloutir. Le mot sukar affleure constamment dans le chaos des conversations. Le sucre quil faut aller acheter au Lidl, le sucre quil faut mettre de côté, le sucre à partager, le sucre qui colle aux tasses, le sucre indispensable à la préparation lente et méticuleuse du café. Sucre, café en poudre, une goutte deau. Il faut un peu de temps. Le rythme ici nest pas scandé par la machine à café, mais par le tintement net et constant des petites cuillers qui remuent ces trois ingrédients. Il ne faut pas être pressé.e, ça peut prendre quelques minutes.</p>
<p><img alt="" src="../images/02/upupa/mur.jpeg"></p>
<p><img alt="Un mur couvert d'affiches et de dessins à la main" src="../images/02/upupa/mur.jpeg"></p>
<p>Pendant que des conversations babéliques bouillonnent, au-de-là du sifflement de la bouilloire qui passe dune main à lautre, entre le bruit de leau qui coule et le raclement du pot de sucre encroûté, on entend chuinter la porte du coffre qui souvre et se referme pour la millième fois.
Après il faut laver les tasses, les chercher, les perdre. Les retrouver dans les endroits les plus improbables. Sous les tables, sur les étagères des livres, dans les toilettes. Dans les pots de fleurs, sur le muret en face mais dix mètres plus loin. Dans le parking ou de lautre côté de la route. Et il ny a pas que les tasses, mais aussi les verres, les bols, les pots de confitures, les boîtes à café, récipients de toutes les formes et mesures. Dans le croisement chaotique de personnes, paroles et objets qui constitue ce lieu, la préparation du café se charge dune signification rituelle particulière.
Tous ces gestes appartiennent à la communauté dUpupa, déterminent le tempo du lieu, en définissent le quotidien.</p>
@ -100,7 +100,7 @@ sont à nous (Ravages).&#160;<a class="footnote-backref" href="#fnref:1" title="
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